Gaïa avait la conviction d’être née sous une bonne étoile. Dès le début, tout avait été parfaitement pensé pour qu’elle ait une vie idéale. Le jour de sa naissance, déjà, elle avait fait preuve d’une chance insolente : elle était née la première, mais elle ne s’était pas ouverte seule au monde. Sa sœur Marcianna avait suivi quelques minutes après, l’accompagnant dans cette vie qui s’ouvrait à elles. Naître à deux était un cadeau que les jumelles avaient largement apprécié durant toutes ces années.

Les deux sœurs avaient également longtemps profité du fait d’avoir été les premières filles du couple Yaxley, les premières demoiselles de la famille. Elles s’étaient rapidement attirées toute l’attention, sans vraiment faire d’efforts : leur mère, ravie d’avoir enfin de petites poupées de qui s’occuper, les avait rapidement emmenées partout avec elle, les initiant aux mondanités dès leur plus jeune âge ; leur père, strict et absent, la plupart du temps, semblait s’adoucir légèrement face aux jumelles, accordant des sourires, des caresses, un peu de la tendresse d’un père envers ses filles quand il en avait le temps.

Mais les jumelles connurent avant tout l’amour fraternel. Elles grandirent sous les regards attentifs de Tibérius et Thaddeus, profitant de leurs grands frères, du fait qu’ils soient toujours aux petits soins avec elles. Elles étaient les petites princesses de la famille, et ça leur allait très bien.

Cependant, elles ne restèrent pas longtemps les petites dernières. En 1923, alors que les jumelles n’avaient que quatre ans, un nouvel arrivant compléta la famille : Darius. Gaïa eut beaucoup de mal à se faire à l’arrivée d’un nouveau membre dans la fratrie, bien plus que Marcianna, et, pendant un temps, elle fut une véritable peste. Mais son attitude changea rapidement lorsqu’elle comprit qu’elle était la « grande sœur » et qu’il fallait donner l’exemple. Par la suite, que cela soit avec Octavia ou Pulchra, Gaïa n’eut aucun mal : elle accueillit avec plaisir chaque nouveau membre de la fratrie, les protégeant et les aimant tous de tout son cœur.

En 1930, Gaïa fit son entrée à Poudlard, atterrissant à Serpentard, comme sa sœur. Très vite, et aux yeux de tous, la jeune femme apparut comme prometteuse : elle s’intéressait à tout, travaillait bien et se révéla très douée en pratique. Les Sortilèges n’avaient aucun secret pour elle, de même que les Potions. Après tout, elle avait grandi dans une famille d’intellectuels : les livres avaient toujours été à sa disposition et s’y plonger dedans était un de ses passe-temps favori.  A l’instar de ses frères, Gaïa avait une cervelle bien remplie, et des idées. A Poudlard, elle apprit à les mettre en valeur, sans jamais confronter qui que ce soit : Gaïa n’était pas adepte de la manière forte. Si elle s’assurait de ne jamais fréquenter un Sang-de-Bourbe, elle s’assura également de ne jamais passer pour ce qu’ils appelaient une « radicale ». On ne savait jamais, ces gens pouvaient finir par servir à un moment donné…

Après sept années dans l’école de sorcellerie, Gaïa quitta Poudlard, ses ASPIC en poche. Pour en faire quoi ? Gaïa n’avait jamais vraiment été élevée avec pour objectif d’être formée à un travail. Elle avait un instant été tentée par le médecine, mais avait vite été rebuté par la confrontation perpétuelle avec les malades. La politique l’intéressait également, mais elle préférait laisser l’aspect concret à ses frères. Aussi ne fit-elle rien pendant quelques temps, se contentant d’entretenir le nom dans les soirées de la haute, profitant de sa jeunesse.

Mais l’arrivée de Pulchra, la même année que la fin de ses études, lui avait donnée une idée – idée déjà en germe à l’arrivée des autres membres de la tribu Yaxley. La jeunesse devenait de plus en plus importante dans la société sorcier, pourtant bien campée sur les acquis de quelques vieux hommes en fin de course. Former les jeunes à reprendre le monde qui leur serait laissé, à en faire quelque chose de propice au développement d’idées comme la valeur du sang, la famille ou encore l’honneur du nom, semblait quelque chose de capital pour Gaïa. En 1940, jouant de ses relations, la jeune femme parvint donc à réunir les fonds pour financer son projet : l’Association des Jeunesses Futures vit donc le jour. Avec son siège principal sur le Chemin de Traverse, Gaïa proposa un lieu accessible aux jeunes, un lieu où ils pourraient se retrouver, échanger, mais, surtout, être sensibilisé aux idéaux puristes. Des conférences étaient organisées, les enfants étaient parrainés par des plus anciens, des réceptions étaient organisées, permettant de trouver des contacts. Le projet était en route.

Pendant quelques temps, Gaïa ne se consacra plus qu’à ça. Sa vie continuait pourtant en parallèle de l’Association. Celle de sa famille également. Alors que la jeune femme venait de faire vingt-et-un ans à peine, les fiançailles de son frère Tibérius avec Reha Shafiq furent rompues. Un instant, Gaïa se dit que c’était Thaddeus qu’on allait finalement marier, même si l’idée paraissait saugrenue. Deux ans plus tard, pourtant, ce fut elle qu’on fiança, au frère de Reha, Riyadh, âgé de cinq ans de plus qu’elle.

C’était un mariage arrangé, fait pour conserver l’alliance promise entre les deux familles. Les choses auraient pu mal tourner entre les deux futurs mariés, mais ce ne fut pas le cas. Si Gaïa fut charmée par Riyadh, celui-ci tomba éperdument amoureux d’elle. C’était bienvenu. Les deux se plaisaient et, à n’en pas douter, formeraient un couple solide dans le futur. D’autant plus solide que Gaïa pouvait pousser Riyadh à accomplir plus ou moins tous ses désirs. Aussi eut-elle l’occasion, grâce à lui, d’agrandir son association avec de nouveaux locaux.

Au fil des années qui suivirent, Gaïa consolida tout ce qu’elle possédait déjà : ses idées, son association, son couple, sa famille… A vingt-huit ans, la jeune femme est une femme du monde. Malgré la mort récente de son père, elle garde la tête haute et fait de son mieux pour soutenir sa famille. C’est d’ailleurs cette récente perte qui l’a conforté dans son idée selon laquelle il faut guider la jeunesse, avant qu’il ne soit trop tard : livrée à elle-même, qu’adviendrait-il d’elle ?