«

Ines, Ines ! Tu ne vas jamais deviner qui te demande en bas ! » s’exclame d’une voix toute excitée tirant vers les aigus la plantureuse sorcière trentenaire et bien trop maquillée qui entre sans frapper dans le bureau d’Ines Stintwick, sa jeune collègue. « Je te donne des indices : grand, brun, ténébreux… ! » Evidemment dès qu’un homme s’approchait du quartier général de Sorcière Hebdo, composé à 99 % de femmes accros aux ragots et dont l’un des plus croustillant sujet de discussion était la gente masculine… Lorsque ledit homme était charmant, demandait une de leur collègue avec une rose à la main et un costume élégant… Elles ne se sentaient plus !

Pendant ce temps, Damocles Nott, dixit le grand brun ténébreux, attendait patiemment sa belle. Ce n’était pas la première fois qu’il venait chercher Ines directement à son lieu de travail, pour raccompagner la sang-pur chez elle ou l’emmener boire voire manger quelque chose. Il s’était à vrai dire fortement rapproché d’elle depuis qu’elle était sortie de Poudlard et lui était devenue accessible.
Mais ce jour-là, l’héritier Nott avait sorti le grand jeu. Costume trois pièces, cape de sorcière à broderies irisées, sobre mais aussi élégant et formel que pour un rendez-vous galant. Et la rose, bien sûr, tenue entre ses doigts gantés de cuir de vert gallois, son autre main rentrée dans sa poche. Damocles était un homme patient. Il avait attendu, gagné la confiance de sa proie et il était maintenant temps de passer au stade supérieur. Il avait ouïe dire que Ines et son ex s’étaient revenus il y a peu dans un lieu public. Et il ne comptait pas perdre toute son avance contre cet avorton de Chaser. Qu’il continue de ramper sous la robe de leur maître et le laisse s’occuper de la belle Ines.

Si Damocles était un homme plutôt discret et réservé, la réaction qu’il produisait à chaque apparition chez les sorcières de Sorcière Hebdo était presque amusant –et flatteur, bien sûr. Il n’avait jamais lu ce magasine qu’il considérait comme une perte de temps et bon à mettre à la poubelle, de la lecture pour donzelles sans cervelles frustrées par la vie. Il était pourtant forcé de faire semblant de s’y intéresser pour Ines, lire ses articles et faire semblant de l’encourager. Ridicule. Elle serait bien plus à sa place dans le lit et au bras de Damocles, sans autre distraction que son devoir d’épouse.
Lorsqu’elle serait sa femme, elle n’aurait pas besoin de quelque chose comme Sorcière Hebdo pour mettre du piquant dans sa vie.

C’est sur cette pensée que la sublime sang-pure apparaît dans son champ de vision. Damocles se redresse aussitôt et un sourire en coin apparaît sur ses lèvres. « Bonsoir, Ines. » Il fait fi des regards curieux. Il ne comptait plus cacher son intérêt pour la belle. Il s’approche et attrape sa main délicate pour la porter à ses lèvres, comme à chaque fois qu’il la voyait. « Elle pâlit de jalousie face à ta beauté. » ajoute-t-il de sa voix grave. Pour illustrer ses belles paroles le sorcier embrasse la rose qui pâlit littéralement, perdant magiquement son éclat rouge écarlate. Il continue de sourire, taquin, et en même temps, mortellement sérieux.

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amocles n’appréciait pas le moins du monde la séduction, même s’il n’en avait pas l’air. Devoir sociabiliser, charmer, faire rire les filles jusqu’à ce qu’elles acceptent de se laisser posséder, c’était d’un ennui. Faire la cour était encore pire. Au moins, avec Joanna, il n’avait pas vraiment eu à s’embêter, puisqu’ils étaient de toute manière destinés à se marier et qu’elle n’était pas assez idiote de croire qu’il aurait des sentiments pour elle. Leur relation avait été très professionnelle, leur mariage n’était qu’une transaction commerciale comme une autre (même s’il avait fini par l’apprécier et que sa mort l’avait particulièrement ennuyé). Mais il fallait voir le bon côté. Veuf, il pouvait trouver nouvelle chaussure à son pied, ou plutôt potiche à son bras. Même s’il devait pour cela passer par un long et éreintant processus de séduction. C’est pour cela qu’il préférait les coups d’un soir et les prostituées (de sang pur, évidemment).

Mais il fallait dire qu’Ines méritait quelques efforts. Sa splendeur ne cessait de le surprendre, pourtant ce n’était pas comme s’il la voyait pour la première fois, mais cette jeune femme était une beauté comme il n’en naissait qu’une fois tous les siècles. Alors il le lui montre, toujours avec poésie, vile flatteur qu’il était. « Mais je sais que tu aimes ça. » Il avait évidemment ensorcelé la rose pour que les épines ne piquent pas les doigts délicats de la sang-pure, il serait de fort mauvais goût de faire (déjà) couler son sang. « Cela me fait très plaisir, aussi. En vérité j’espérais continuer à te plaire tout le long de la soirée. Tu es libre ? Je compte t’enlever pour quelques heures, si tu me le permets. » Il sourit séductivement en tendant son bras à la belle sorcière, des manières irréprochables, qui cachaient toutes la laideur de ses pensées et désirs. Il aurait pu l’enlever bien plus littéralement, mais leur société fronçait malheureusement les sourcils face à ce genre de comportement. Les sorciers de l’Antiquité, au moins, ne s’embarrassaient pas de manières lorsqu’ils voulaient quelqu’un, qu’il soit homme ou femme. Mais leur société actuelle était paralysée par les manières et les impressions, si bien que Damocles devait s’y soumettre, même s’il aurait préféré utiliser force et magie pour régler ses problèmes dans la simplicité.

Mais bon, la patience portait toujours ses fruits, il savait qu’il finirait par avoir Ines, même avec cet aveugle de Daniel revenu dans l’équation.

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amocles sourit avec satisfaction lorsqu’elle accepte sa proposition –cela aurait été très mal vu, qu’elle refuse, surtout vu tout ce qu’il avait prévu pour leur fin d’après-midi et début de soirée. Il incline légèrement la tête, sourire confiant et toujours aussi charmeur au coin des lèvres.

« Oh, mais tu me connais Ines, tu sais que jamais je ne te décevrais. J’ose espérer du moins. » Il l’emmène d’un pas tranquille vers la sortie du siège de la gazette, appréciant de l’avoir contre lui, accrochée à son bras, comme si elle était sienne déjà. Il regarde sa montre, et sourit, satisfait, il avait bien géré son temps. Il sort de sa poche une broche en argent et attrape la main libre d'Ines en serrant le portoloin entre leurs mains enlacées. « Je me permet... Accroche-toi bien, cela va un peu secouer. » Une fois hors du bâtiment il s'immobilise, juste à temps pour que le portoloin s'active, les emportant tous les deux vers leur destination mystère.

Le couple sorcier apparaît au même instant de l’autre côté de l’océan, dans un cadre féerique, au cœur de la cour d’un superbe château français, fleurs aux odeurs envoûtantes montant le long des murs et flottant dans les airs, un immense jardin de roses aux mille et une couleurs s’étendant au-delà de la cour. Damocles avait dépensé beaucoup de gallions pour préparer cette soirée, privatiser le château sorcier, la décoration, les tenues princières qui attendaient Ines… Il n’avait pas lésiné pour impressionner et faire plaisir à Ines, dont il connaissait les goûts après tout ce temps.

L'arrivée étant un peu brusque, comme toujours avec les Portoloins, Damocles glisse sa main derrière la taille de la jeune femme, comme pour s’assurer qu’elle ne perde pas l’équilibre après leur atterrissage, et baisse les yeux vers elle avec un sourire qui semblait affectueux : « Ne m’as-tu pas dit avoir toujours rêvé d’être une princesse ? Permet moi d’être ton génie, ce soir, et de réaliser ton souhait. »

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C

ontrairement aux apparences, Damocles n'avait rien d'un romantique. C'était tout le contraire. S'il avait pu appâter une sang-pure de la trempe d'Ines sans avoir à passer par cette ridicule mascarade, il l'aurait fait. Les mots doux, il savait y faire grâce à son métier et tous les livres qu'il avait lu, mais très franchement, c'était fatiguant. Ce qui le faisait tenir, c'est qu'il l'aurait bientôt à sa merci. Et puisqu'il n'y avait pas de divorces chez les sang-pur, il n'aurait pas besoin de maintenir autant d'efforts lorsqu'elle serait à sa place, avec lui. Il pourrait même lui faire entrer dans le crâne qu'elle n'était pas aussi parfaite qu'elle le pensait, après tout elle n'était qu'une femme.

Le décor féerique était digne d'un de ces romans d'amours médiévaux, et Damocles décide de jouer le jeu d'Ines, amusé.

« Peut-être... Mais tu as déjà accepté, souviens toi. » Il sourit en coin, et murmure : « Je promet que ce n'est rien que tu ne puisse surmonter. » Avec un clin d'œil il claque des doigts et plusieurs magnifiques tenues et parures (dont des diadèmes et bijoux fait de précieuses pierres, seulement le meilleur pour la future Lady Nott) apparaissent devant eux. Certaines étaient de coupe et mode française, il avait demandé conseil à des stylistes et spécialistes sorcières pour épater Ines. Damocles ne faisait jamais les choses à moitié. Ce jour était l'apothéose, le résultat d'une patience qu'il n'avait eu dans aucun autre aspect de sa vie. Enfin il allait récolter le fruit de ses efforts.

« Qu'est-ce qui ferait plaisir à la princesse Inès aux boucles d'or ? » Il s'approche légèrement en l'entraînant avec elle, sa main toujours sur sa taille : « Certaines de ces parures auraient été portées par la sorcière légendaire Viviane. Nous sommes, après tout, en France. » Il attend impatiemment la réaction d'Inès. Une femme comme elle ne pouvait qu'être charmée par de tels présents. Il était tellement facile d'acheter l'affection des femmes...

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