Harfang aime assez Pré-au-Lard, ça lui rappelle d'excellents souvenirs, et l'endroit est assez sympathique en soi. Mais en règle générale, quand il va dans le village sorcier, il s'arrange pour éviter les sorties à Pré-au-Lard, d'une part parce qu'il n'a pas forcément envie d'évoluer au beau milieu d'une immense foule de gamins, d'autre part parce qu'il n'a pas forcément envie de croiser sa fille non plus, à choisir. Mais justement, il n'a pas choisi. Il a un colis urgent à envoyer, et week-end scolaire ou pas, il ne peut pas y réchapper. Alors il a pris son courage à deux mains et se rend à la poste. Et en effet, c'est un jour de sortie scolaire. Il fait mine d'ignorer cette assemblée d'uniformes scolaires et se fraye un chemin jusqu'à la poste où un petit groupe de deuxièmes années observe les hiboux posés sur leurs perchoirs comme s'ils étaient la nouvel merveille du monde... Si impressionnables... Ce serait mignon s'ils ne lui gâchaient pas le passage et le paysage.

Enfin, malgré tout, il parvient à atteindre le guichet, son colis sous le bras. Il parle avec la guichetière, lui fait un peu de rentre-dedans, pas forcément avec une intention, pour cette fois, plus par habitude qu'autre chose, parce qu'il est un séducteur dans l'âme, tout simplement. Elle prend son colis en charge, il sera livré en temps et en heure c'est tout ce qui importe. Et maintenant, il va pouvoir rentrer et filer chez lui. Pas que ça l'enchante forcément, surtout si c'est pour tomber sur sa femme et sur leurs conversations qui sont toujours les mêmes (et qui en ce moment tournent toujours trop autour de Cedrella.. ces histoires de mariage ne l'enchantent pas, mais il est loin d'en faire une affaire d'Etat aussi). Mais il faut bien faire avec sa routine, après tout. Alors il se retourne, s'apprête à y aller, mais dans un mouvement pas totalement contrôlé, qui fait qu'il percuta une jeune fille qui se trouvait derrière lui, et qu'il n'avait pas vu.

-Désolé, s'excuse-t-il mécaniquement. Visiblement, il est vraiment dans le cirage. Mais du moment que la jeune fille ne lui en tient pas trop rigueur, ce n'est pas si grave, après tout.

Harfang pensait qu'ils en resteraient au stade des excuses et c'est tout. C'est ce qui se passe généralement quand on bouscule quelqu'un, surtout si c'est sans faire exprès, on se répand en excuse sur sa maladresse, l'autre nous pardonne aisément cet événement qui n'a bien sûr rien de grave en soi, et chacun trace son chemin, et fait sa vie de son côté. Mais apparemment, Harfang est tombé sur une petite bavarde. Ce qui ne le dérange pas en soi, parce que lui aussi a la conversation facile quand il le faut (et encore plus facile quand il ne le faut pas), tout en l'écoutant accepter ses excuses, il la considère distraitement du regard. Elle a quelque chose d'un charme juvénile assez attirant, mais clairement, il n'a pas à y réfléchir trop longuement pour considérer qu'elle est trop jeune pour qu'il lui porte un regard autre que désintéressé... à titre purement plastique. D'ici quelques années, peut-être.

"Perché ?" répète-t-il assez étonné du vocabulaire qu'emploie son interlocutrice.

Il n'a jamais entendu cette expression avant, d'ailleurs. Un truc de jeune, sans doute (c'est là qu'il se dit qu'il prend de l'âge, mais bon, il considère qu'il est comme une bonne bouteille de vin, avec le temps, elle devient encore meilleure), mais il comprend à peu près le sens, ça doit vouloir dire qu'il a la tête en l'air. Ce n'est pas forcément la manière dont on le désigne habituellement, mais il préfère s'amuser de l'analyse de son interlocutrice, qu'il s'en voudrait d'ailleurs de brimer dans sa bonne humeur assez évidente.

"Je vais veiller à regarder où je mets les pieds maintenant, dans tous les cas", assure-t-il avec un sourire.

Et voilà, on s'arrête là et retour à la routine ? Bah... il n'est pas forcément pressé, ça peut bien attendre un peu. Il a bien envie de bavarder un peu avec la jeune inconnue. Même pas avec une idée derrière la tête, pour une fois (elle doit avoir l'âge d'Augusta, c'est un cas mais on va se calmer), juste pour ne pas retrouver trop vite sa petite monotonie usuelle.

"Tu es à Poudlard, j'imagine ?"

La question est presque rhétorique tant la réponse est évidente. Mais on ne sait jamais.

Perchée veut dire : la tête dans les nuages. D'accord. Harfang note mentalement, il se sentira peut-être un peu moins à la ramasse la prochaine fois que quelqu'un lui ressortira cette expression, si ça doit arriver. Il doit bien avouer qu'il n'aime pas trop se découvrir à la ramasse. Il n'aime pas l'idée d'être vieillissant, ne serait-ce que parce qu'il craignait que son potentiel de séduction en prenne un coup. Un petit arriviste comme Terrence affirmerait que c'est déjà le cas, mais il n'a pas envie de l'écouter, pas question même. Il ne dit rien à ce sujet et laisse à son interlocutrice le soin de lui en apprendre un peu plus sur elle. Elle est effectivement à Poudlard, et dans la maison Poufsouffle. D'instinct, Harfang a plus d'affinités avec les serpentards et ex-serpentards, mais en vérité, il n'est pas aussi fermé que peuvent l'être d'autres (c'est bien l'un des principaux reproches de Callidora à son égard, d'ailleurs, même s'il y en a tant d'autres. Alors son attitude vis-à-vis d'elle ne change pas pour autant. Il ne s'attendait pas à ce que s'enchaînent alors une série de questions à son sujet. Cette miss est bien curieuse, mais ça ne dérange pas Harfang. Ce n'est pas comme s'il a un jour vu un problème dans le fait de parler de lui. C'est même tout l'inverse.

"Harfang Londubat", se présente-t-il alors, songeant que son nom sera peut-être familier à la demoiselle. Sa fille, Augusta, doit avoir à peu près le même âge qu'elle, et Poudlard n'est pas si grand, tous ses élèves finissent immanquablement par se connaître les uns les autres, qu'ils le veuillent ou non, d'ailleurs. "Je travaille à Gringotts", précise-t-il sans donner plus d'informations plus précises sur son métier. En même temps, il ne pense pas que ça l'intéresserait. La banque et les finances, ce n'est pas franchement un domaine vendeur de rêve... pour la plupart, et y compris pour lui d'ailleurs. "Et j'étais à Serpentard." Il ne précise pas que le choixpeau a d'abord voulu l'envoyer à Gryffondor et qu'il a insisté en pensées pour atterrir là où avait étudié sa famille. Cela ne lui paraît pas très important. "Et à qui ai-je l'honneur ?"

Si elle a le droit de poser des questions, lui aussi, non ?