Lucretia avait cru, dans les premiers temps de sa vie de femme mariée, qu'abandonner le manoir familial ainsi que tous ses repères serait difficile pour elle, une épreuve peu agréable qui lui demanderait un long moment d'adaptation dont elle ne serait pas forcément capable. Mais ça n'avait pas été le cas. Même pas du tout. Bien sûr, elle repensait à certains moments avec une certaine nostalgie à leurs dîners de famille ou à la routine qui s'était instaurée dans leur foyer, mais ça s'arrêtait là, elle n'en faisait pas une maladie, en somme. Il faut dire que tout avait été rapide après sa sortie de Poudlard, sans doute trop rapide pour qu'elle ait le temps de prendre directement conscience de ce qui lui arrivait. Ses années à l'école de magie lui avaient déjà appris progressivement à se détacher de sa famille, et sa relation avec Ignatius, complexe d'abord, fusionnelle ensuite, l'avait si brusquement prise de court qu'elle n'avait pas vraiment eu le temps de prendre immédiatement conscience de ce qu'elle gagnait ou perdait. C'était là, c'était fait, c'était tout, et elle était heureuse de sa vie comme elle était, elle en était même fière, même si tout n'était pas rose... Elle n'avait pas osé encore apprendre à ses parents qu'elle ne saurait leur assurer leur descendance... Elle espérait bien que les noces prochaines de son cadet compenseraient sa propre impuissance, en attendant, elle choisissait de se taire. Par chance pour elle, elle était particulièrement douée quand il s'agissait de dissimuler ses émotions, de les cacher derrière un voile d'indifférence, de faire semblant de rien. À part Ignatius, qu'elle autorisait à la percer à jour, elle pouvait prétendre sans que personne ne décèle quoi que ce soit de suspect dans son attitude.

C'était dans cet état d'esprit qu'elle avait décidé de se rendre dans le manoir qui abritait tous ses souvenirs d'enfance, et aussi, accessoirement, sa famille, puisque son petit frère vivait encore là, même si, étant en période scolaire, moins souvent aussi. Cela dit, elle savait qu'il serait présent ce jour-ci. La famille avait convenu que le temps d'un week-end, toute la famille prendrait la peine de se réunir... La preuve que les Black avaient tout de même le sens de la famille, même si c'était un sens un peu étrange et pas forcément le plus engageant du dictionnaire. Leurs réunions n'étaient pas un étalage de démonstrations d'affection, même pas du tout, mais au moins, mais ça leur convenait. En tout cas, Lucretia s'en satisfaisait très bien pour sa part. Sur place, après que son elfe de maison lui ait ouvert et l'ai invité à entrer, la première personne sur laquelle elle tomba fut Orion.

-Bonjour, petit frère, le salua-t-il avec un grand sourire aux lèvres.

Retourner à Poudlard m'a fait un bien fou. Même si je ne peux pas totalement éviter Lexie, surtout lorsque nous sommes tous les deux dans la salle commune des Serpentard (ce serait immature de le faire, en plus, parce qu'autant s'habituer à la présence l'un de l'autre de suite... mais je dois être assez immature quelque part, dans mon genre. En tout cas, je suis totalement incapable d'ignorer le sentiment de gêne et l'envie de fuir que tout ça m'inspire), j'ai au moins le sentiment de retrouver une vie un peu normale. Après un été particulièrement éprouvant, au cours duquel j'étais sans arrêt exposé au regard de mes parents, si fiers de m'avoir trouvé une épouse bien née qui poursuivrait les desseins de pureté de la famille, c'est agréable de me dire que je ne suis jamais qu'un élève comme un autre. J'ai mon groupe d'amis, mon groupe d'ennemis, je vais en cours, le train-train quotidien m'habite, et je me rends compte que j'adore la routine. Sérieusement, je ne pourrais pas du tout m'en passer.

J'étais bien, à Poudlard, depuis la rentrée. Cette année est comme une année de sursis, et ça me plaît de la voir comme telle, même si elle passe beaucoup trop vite (mais vraiment beaucoup trop... On est déjà en octobre, je ne sais pas du tout où le mois de septembre a bien pu passer). Je n'étais pas particulièrement pressé de retourner chez mes parents, même le temps d'un week-end, doutant fort qu'ils aient changé de disque depuis la dernière fois. Mais je me suis engagé pour notre petite réunion de famille, alors je ne peux pas vraiment espérer en réchapper. La seule chose qui me console, c'est que Lucretia sera là. Ça ne va rien changer au sujet principal de discussion, je pense, mais je suis heureux de revoir ma soeur. Ça fait un moment que l'on a pas passé du temps ensemble, tous les deux, et ça me manque assez. Même si vu l'état de son mariage visiblement parfait, c'est pas elle qui va m'encourager dans mes mauvaises pensées. Tant mieux ?

Quand elle arrive chez nous, les parents sont de sortie. Ça me va, on va pouvoir papoter un peu avant d'être dérangés par la tribu au grand complet. Elle m'adresse un grand sourire. L'un de nous deux est de bonne humeur, c'est bien. C'est déjà ça.

-Salut frangine, réponds-je sans parvenir à montrer autant d'enthousiasme qu'elle. Tu vas bien ? J'ai l'impression qu'on ne s'est pas vus depuis des siècles.

Des siècles, c'est un peu abusé, ça fait juste quelques mois. Mais maintenant que j'ai ma soeur aînée sous les yeux, je me rends compte qu'elle m'a manqué.

-Salut frangine. Tu vas bien ? J'ai l'impression qu'on ne s'est pas vus depuis des siècles.

Des siècles non, certainement pas. Lucretia ne l'espérait pas, en tout cas, car cela ferait d'elle une vieille croutonne proche de la tombe, et elle n'était pas spécialement pressée d'en arriver à ce moment de sa vie. Elle considérait qu'elle était dans la fleur de l'âge, au maximum de tous ses potentiels : physiques et mentaux (par contre elle n'était pas du tout modeste, hein), elle avait l'intelligence, elle avait la répartie, elle avait l'ambition, elle avait la séduction... tout lui réussissait (à part un détail précis, mais elle ne se voyait pas encore aborder le sujet avec son cadet, c'était encore beaucoup trop frais à ses yeux), et elle voulait poursuivre sur cette lancée. Alors pour le moment, elle vivait dans l'instant présent, alors les siècles, ils attendraient plus longtemps. L'instant présent seul importait, oui, et cet instant présent, il le consacrerait à son frère, car s'il est vrai qu'ils s'étaient vu il y a moins d'un siècle, ça faisait quand même un sacré moment. Elle était toujours prise à ses affaires, surtout depuis qu'Ignatius avait choisi de fonder l'Hydre, ce qu'elle soutenait à mille pour cent. Alors forcément...

-Un siècle, un siècle, n'exagère rien, le taquina-t-elle dans un fin sourire. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'articuler sa pensée à voix haute. Mais je le reconnais, ça faisait vraiment longtemps.

Trop longtemps. Si elle adorait sa nouvelle vie, sa famille lui manquait quand même beaucoup, et elle se disait à chaque fois qu'elle devrait faire plus d'efforts pour aller voir ses parents et son frère. Mais si la nostalgie revenait au grand galop très rapidement quand elle était en présence des Black, et qu'elle s'en sentait une elle-même, elle l'oubliait très vite quand elle redevenait une Prewett. Et elle était plus que fière de l'être.

-Ça me fait plaisir de te revoir aussi, frangin. Parce qu'elle se doutait que s'il lui parlait de ça, c'est qu'elle lui avait quand même manqué. Et je vais bien, ajouta-t-elle dans un sourire qui ne pouvait être un mensonge. En effet, elle se portait au mieux. Elle n'avait à se plaindre d'aucun aspect de sa vie (ou presque) même si elle ne pouvait pas parler de tout à son frère. Et toi alors ? J'ai appris la nouvelle, félicitations !

Elle parlait de ses fiançailles, bien sûr, et elle était très sincère quand elle le félicitait. Elle-même était plus que satisfaite de ses noces arrangées, elle se disait qu'Orion appréhenderait les choses de la même manière. Elle oubliait parfois que le frère et la soeur étaient quand même très différents à certains niveaux.

D'accord, un siècle c'est peut-être exagéré, c'est vrai, mais j'ai quand même le sentiment que ça fait une petite éternité qu'on ne s'est pas vus et parlés. Ça semble toujours beaucoup plus long quand il s'agit d'une personne à laquelle on tient. Et je tiens vraiment beaucoup à ma soeur. Je l'admire beaucoup, je dois dire. On a beau avoir pas mal d'années d'écart, je me suis toujours senti proche d'elle. Je me sens d'autant plus proche d'elle que je la considère comme un modèle. Quand j'ai le sentiment de flancher, de ne pas faire les choses bien, quand je doute, elle est toujours droite et digne. Elle est forte. Et ça, c'est un trait de caractère que j'aurais bien aimé, moi aussi, hériter de mes parents. Mais on pouvait bien dire que c'était réussi. La carapace que je me suis forgée a fait illusion un temps. Mais elle se craquèle. Bientôt, il n'y aura plus que moi, moi sans barrière de protection, et ce sera pas pathétique, ce ne sera pas vraiment beau à voir. Je n'aime pas être comme ça, mais on ne peut pas vraiment lutter contre sa nature, non ? Non, je suis une chiffe molle, je crois que c'est aussi simple que ça. Et il va donc falloir que j'accepte ma condition de chiffe molle à perpétuité. Je suis tout l'inverse de ma soeur, à ce titre.

Lucretia m'affirme qu'elle est heureuse de me voir aussi. Parfois, je doute un peu de lui manquer quand elle passe des semaines loin de nous sans donner de nouvelles, mais dans l'instant, j'ai envie de penser qu'elle est sincère. C'est le genre de personnes heureuses de retrouver leurs proches quand le moment est venu, mais qui ne pleureront pas sur leur absence. C'est dans son caractère, au final. Elle est fière et indépendante. Plus encore depuis son mariage. Ses noces lui ont clairement réussi, à elle. Peut-être qu'il m'arrivera la même chose ? J'en sais rien. En me calquant sur l'exemple de ma soeur, c'est sûr qu'on ne peut que penser que les Black savent faire leurs choix judicieusement. Mais bon, c'est facile de se faire ce genre d'opinion sur une situation qu'on ne vit qu'à distance. Enfin bon... Elle me félicite, comme c'est l'usage. Je n'ai pas à lui demander pourquoi, je sais que c'est pour mes fiançailles. Même si elles ne me paraissent pas forcément de rigueur, en fait. Peut-être même pas du tout. Mais je me monte la tête, je me monte la tête. Il ne faut pas que je me monte la tête...

-Mouais... merci...

Voilà. Mon enthousiasme à son apogée.

Les mariages arrangés ne sont pas forcément un prétexte à sauter au plafond, ça je ne dis pas le contraire. Lucretia n'était pas totalement enthousiaste non plus quand on lui avait présenté Ignatius, tout de même bien plus âgé qu'elle, en lui apprenant qu'il deviendrait son époux. Elle n'avait pas bronché, parce que c'était ce qu'il fallait, mais il y avait bien sûr eu un temps d'adaptation. Elle pensait qu'elle aurait le mariage sans l'amour, et ça lui était complètement égal, l'amour pouvait se faire hors union, du moment qu'on ne faisait pas de vague. Mais finalement, elle était vraiment tombée sous le charme d'Ignatius. Elle aurait bien du mal à l'expliquer, elle ne l'avait pas vu venir. C'est sûr, c'était un bonus. Elle espérait qu'Orion aurait la chance de vivre la même chose, mais même sans ça, il n'y avait pas de quoi accueillir la nouvelle de leur union avec une tête de six pieds de long. Lexie Hepburn était plutôt cool, comme fille. Et charmante avec ça, très mignonne et pour ne rien gâcher, ils avaient le même âge. On ne lui mettait pas une vieille croûlante ou une gamine de treize ans dont il faudrait attendre qu'elle atteigne l'âge décent dans les pattes. Il n'avait vraiment pas de quoi se plaindre. Mais Orion, visiblement, avait quand même du mal à encaisser la nouvelle. Sa réponse le laissait penser, en tout cas.

-Mouais... merci...
- Je t'en prie, cache ta joie, répliqua Lucretia qui n'avait aucune envie de se départir de sa bonne humeur.

Orion ne se rendait peut-être pas compte de la chance qu'il avait, mais dans ce cas, Lucretia lui ferait voir la vérité en face. C'était peut-être normal qu'il doute, qu'il se remette en question. L'annonce de ses fiançailles, c'était un premier pas dans la vie d'adulte, c'est sûr que ça devait faire un peu flipper. Mais c'était une étape à franchir. Et on s'y faisait vite, au bout du compte. Tenez, Lucretia ne se souvenait même plus de ce qu'était sa vie avant qu'elle ne devienne une femme mariée. Comme quoi, c'était finalement très simple de se défaire de ses peurs et d'aller de l'avant. Ça finirait bien par arriver. Orion se faisait du souci, Lucretia le voyait, mais elle avait la ferme intention de le voir dédramatiser. Il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat.

-Ça va, n'en fait pas tout un drame, ajouta-t-elle dans un sourire. En plus t'as de la chance, c'est une fille bien, Lexie.

Une fille très bien, même. En tout cas, Orion devait lui laisser une chance aux yeux de Lucretia. Ce serait dommage qu'il se ferme parce qu'on avait pris la décision à sa placE.

J'affiche une grimace moins que mature quand ma grande soeur me demande de cacher ma joie. Ce n'est certainement pas en me demandant de donner l'impression d'être enthousiaste que je vais obéir, déjà parce que je possède un fort esprit de contradiction, ensuite parce que, de toute façon, je ne suis pas un joyeux luron. Quand on me voit sourire, c'est un miracle, et je n'ai pas l'intention de forcer ma nature uniquement pour faire plaisir à mon interlocutrice. Je sais bien qu'elle ne pense pas à mal. Elle fait juste ce qu'elle fait tout le temps quand on se voit. Elle adore me charier, je la soupçonne même de considérer ça comme son jeu préféré, si bien d'ailleurs que ça me déçoit assez qu'elle ait mis tant de temps avant de repasser à la maison. Après tout, elle a dû se priver tout ce temps d'occasions en or de me taquiner. En plus, je suis une cible en or, pour elle. Elle sait très bien que je suis du genre à prendre la mouche en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. J'en suis pas spécialement fier, mais c'est vrai. Parce que je suis très fier, je suis aussi très susceptible. Les deux ne vont pas l'un sans l'autre. En tout cas, je ne me sens vraiment pas d'humeur à plaisanter avec elle. J'aimerais bien qu'elle comprenne ce que je traverse, qu'elle y compatisse. Elle est passée par là, elle aussi, après tout. Mais tu penses ! Elle est si heureuse en ménage !

Elle me demande de ne pas en faire tout un plat, et je trouve ça assez comique, franchement. C'est le genre de choses qu'on dit d'événements insignifiants, dont on se fait une montagne mais qui en vérité n'ont rien de si graves que ça. Là, je ne sais pas vraiment si ma situation est grave, il est possible que non, mais ce n'est pas insignifiant pour autant. C'est de mon avenir, qu'il s'agit. Le choix de mes parents va avoir une incidence irréversible sur tout ce qui va m'attendre à l'avenir. Alors peut-être que ce sera en bien, peut-être que ce sera en mal. Mais ça, je ne peux pas le savoir à l'avance, et c'est ça qui m'angoisse. Je suis en train d'explorer toutes les vies possibles dans ma tête, toutes ces vies dont mon mariage avec Lexie Hepburn ne fait pas partie, et du coup, je ne sais plus très bien ce que je fais ou encore où j'en suis.

-Ouais, je sais bien, je réplique d'un ton résigné, un peu bougon, quand Lucretia me fait remarquer que Lexie est une fille très bien. Je le sais bien, ça, je sais très bien que franchement, c'est pas la pire fiancée qu'on n'aurait pu me trouver. Mais ça suffit pas. T'étais si sereine que ça, toi, quand t'as dû épouser Ignatius ?

-Ouais, je sais bien.

C'était déjà ça. Il reconnaissait au moins que leurs parents lui avaient trouvé un très bon parti en la personne de Lexie. Est-ce que ça suffirait à le convaincre d'arrêter de tirer la tronche, ce n'était pas dit, mais au moins il n'accusait pas injustement sa fiancée d'être responsable de ses états d'âme. Ce serait injuste, après tout, d'autant qu'elle était dans la même galère que lui. Ce qui était une chance pour lui, d'ailleurs. Quand Lucretia avait été fiancée, elle, elle l'avait été à un homme plus âgé, et par conséquent qui n'avait plus à se poser ce genre de questions existentielles sur son avenir. Sur le moment, elle devait avouer que du coup, elle s'était sentie un peu seule. Mais c'était quelque chose qui n'avait pas duré longtemps. et si elle pouvait revenir en arrière à présent, elle referait tout exactement de la même manière. Elle ne changerait rien. Rien du tout. C'était d'ailleurs de cela qu'Ignatius finit par lui parler, Merlin, il n'était vraiment pas sûr de lui, dans cette affaire. Lucretia sentait qu'il était de son devoir de le rassurer, afin de lui faire comprendre que la voie qu'on avait tracée pour lui était la seule voie qui méritait de l'être. Ce n'était pas pour rien que leurs parents choisissaient pour eux. Ce n'était pas pour les ennuyer ou pour les embarrasser, c'était même tout l'inverse, c'était pour leur garantir le meilleur avenir possible. Refuser leurs choix, c'était comme ignorer tous les efforts qu'ils fournissaient pour parvenir aux meilleures solutions, pour eux, pour leur nom. Pour leur famille. C'était un tout.

-T'étais si sereine que ça, toi, quand t'as dû épouser Ignatius ?

Lucretia hésitait à se montrer totalement honnête, mais elle se disait finalement que son exemple servirait à Orion, il comprendrait comme ça qu'on ne lui passait pas la corde au cou au sens propre et qu'il n'allait pas finir pendu sur la place du village. C'était l'inverse qui l'attendait. On lui promettait un avenir glorieux. Il ne fallait pas qu'il passe à côté. Il avait tout à gagner de ses fiançailles avec Lexie, et ça, il était grand temps qu'il le comprenne, pour son propre bien.

-Pas totalement, c'est vrai. Elle pouvait bien lui avouer ça. Mais je savais que les choses étaient bien comme elles étaient, que c'était le mieux pour moi. Elle esquissa un sourire. Et tu vois, je ne me suis pas trompée.

Dire qu'elle aurait pu passer à côté de la vie qu'elle avait à présent. Sans l'intervention de ses parents, c'est ce qui se serait passé. Non, elle ne regrettait rien.

Elle ne me concède pas grand-chose (mais je la reconnais bien là, mais sœur n’est pas du genre à s’apitoyer, et pas davantage à prendre les autres en pitié, et en vérité, c’est ce qu’il me faut, à moi, je veux pas de compassion hypocrite, je veux un discours direct qui a le mérite non négligeable d’être en plus honnête), mais elle m’avoue quand même que ça n’avait pas été une expérience entièrement sereine pour elle que d’épouser celui qui maintenant est mon beau-frère. Je crois bien que c’est la première fois qu’elle l’avoue (non, j’en suis sûre, en fait, sinon je m’en serais souvenu), et j’apprécie. Non, parce que Ignatius et Lucretia sont si proches, si fusionnels, que t’as un peu le sentiment, avec eux, qu’ils ont eu le coup de foudre dès le premier regard, que leur histoire d’amour a été une évidence et qu’il n’y a jamais eu de doutes pour venir les assaillir comme il se doit. Elle pondère quand même son propos dans la foulée, en affirmant qu’elle avait toujours su que c’était dans son propre intérêt, que c’était une excellente chose et qu’elle n’avait pas de raisons d’y contrevenir. Dans son cas, les faits lui avaient donné un milliard de fois raison. Elle avait tout gagné dans le processus : l’amour inconditionnel de son époux en plus d’une situation sociale digne de ce nom. C’est ce qui m’attend peut-être aussi, c’est vrai. Je le dis, je le répète, Lexie est une fille bien. Il faut que j’arrive à me convaincre que les doutes que je ressens sont quelque chose d’absolument normal.

-Je le sais, que c’est le mieux pour moi, je me défends, un peu sur la défensive, parce que je n’ai pas envie qu’elle croie autre chose, qu’elle pense que je n’ai pas conscience de ce que je dois faire au nom de notre famille. Et quelle famille ! C’est toujours comme ça que les choses ont fonctionné, et c’est très bien ainsi, pour la préservation du sang pur, pour le prestige de la grande famille des Black. C’est juste… un gros changement, c’est tout.

Je baisse les yeux. En plus, il y a de fortes chances pour que ce ne soit que ça, effectivement. Je suis jeune, j’ai juste peur de devenir adulte, voilà tout. C’est forcément ça. Uniquement ça, rien d’autre. Il faut que je me cantonne à ça. Je suis Orion Black. Je suis un Black. Ce n’est pas juste un nom, c’est un état d’esprit. Et il faut que je m’en montre digne autant que j’en suis fier. Lucretia me remet les idées en place, c’est très bien.

-Je le sais, que c’est le mieux pour moi.

Lucretia afficha un sourire satisfait en l'entendant prononcer ces mots, il était effectivement important à ses yeux qu'il en ait bien conscience. C'était même primordial, parce que même si elle ne le ménageait pas toujours, Lucretia voulait que son frère se sente bien dans ses baskets, et elle tenait encore plus à ce qu'il se montre disposé à suivre les préceptes de leur famille, parce que les Black ne rigolaient pas du tout avec ça. L'exemple de Cedrella Black devait faire office d'exemple auprès de tout le monde : on ne déconne pas avec ce que la famille nous impose. Il faut faire avec ce que la vie nous offre si on ne veut pas tout perdre. Et il y avait beaucoup à perdre quand on était un Black. Ils avaient une bonne situation, une réputation à toute épreuve, une stabilité financière et une fortune sans comparaison possible. Pour vivre bien et heureux, il fallait être un Black, un point c'est tout, et pour être un Black, il fallait accepter certaines concessions. Les mariages arrangées, ça en faisait partie, autant faire avec. Ce n'était d'ailleurs finalement pas si terrible quand on y réfléchissait un peu. En tout cas on y survivait, ça allait.

-C’est juste… un gros changement, c’est tout.

Là-dessus, Lucretia n'avait rien à redire, c'était effectivement un immense changement, et qui ne manquait pas d'avoir son importance. Un mariage, qu'il soit arrangé ou pas, c'était un gros bouleversement. Orion étant encore très jeune, aussi jeune que Lucretia l'avait elle-même été quand on avait organisé ses propres fiançailles, il était logique qu'il flippe un peu. On ne passait pas de l'adolescence à l'âge adulte en un claquement de doigts, c'était un processus qui demandait évidemment beaucoup de temps, et apparemment, Orion était en plein dedans. Il s'en plaignait maintenant, mais il y avait plein d'avantages au fait d'être un adulte, il s'en rendrait bien vite compte, et elle osait croire que le moment venu, il y prendrait sincèrement plaisir. Il y avait toujours du bon à tirer du changement. Encore plus de celui-là d'ailleurs.

-Bien sûr, et c'est ça qui est bien ! répliqua-t-elle, pleine d'enthousiasme. Elle agita la chevelure noire corbeau de son frère cadet du bout des doigts avec un grand sourire. Mon petit frère est en train de devenir un homme. Tu sais, à moi aussi ça fait bizarre.

Le changement n'est pas toujours une mauvaise chose, c'est certain, mais je n'aime pas trop ça. J'imagine que ça fait de moi un gars ennuyeux comme la pluie, j'ai bien conscience de ça, mais c'est quand même un fait, c'est la réalité, la notion même de changement me perturbe et m'ennuie. Alors que j'initie sous peu mon passage à l'âge adulte, je sais que l'épreuve est proprement obligatoire, que je n'y échapperai pas. Mais j'avoue que j'aimerais bien, je préfèrerais. Si je pouvais être comme ma sœur, plus ouvert à l'aventure, capable de me réjouir de la vie et de ses perturbations, je serais vraiment heureux, content. Je ne serais pas sans cesse à me poser des questions, je me prendrais beaucoup moins la tête. Mais je suis qui je suis, et le type que je suis est un grand anxieux de nature qui n'arrive pas à lutter contre ce qui est propre à sa personnalité. Je suis épuisé de lutter contre moi-même pour simplement faire ce que l'on attend de moi. Je me dis souvent que je devrais être comme Walby, avec elle, je n'aurais pas peur de partir à l'aventure, parce qu'elle déshinibe mes appréhensions. Mais elle n'est pas là, et c'est une épreuve que je vais devoir subir sans elle (et je me rends compte que ne pouvoir compter que sur une présence lointaine de sa part est quelque chose qui me pèse immensément. Si c'est ça, devenir un homme, je veux rester un enfant. Mais il est trop tard. L'enfance est loin, très loin derrière nous. J'esquisse quand même un sourire quand Lucretia affirme que ça lui fait bizarre à elle aussi. J'aime bien parce que ça me permet de relativiser un peu. Vu les circonstances, ça me fait beaucoup de bien.

-Dis tout de suite que je suis un gamin, je réplique en faisant mine d'être un peu vexé, pas parce que je le suis mais seulement dans le but de m'amuser un peu de la situation. J'ai besoin de légèreté, j'ai besoin de prendre de la distance avec tout ça, et si on m'agite les faits sous le nez de façon constante, je ne vais arriver à rien du tout. On arrête de parler de moi, d'accord ? je réponds dans l'espoir désespéré de détourner l'attention. Tu dois bien avoir des choses à me raconter toi aussi, non ?

On ne s'est pas vus depuis un moment, je refuse de croire qu'elle n'ait rien à me raconter du tout. J'attends donc de voir, de savoir. Ce ne serait pas une mauvaise chose. Et puis, j'ai envie de savoir ce qu'il y a de neuf dans sa vie.

-Dis tout de suite que je suis un gamin.

Lucretia, loin de démentir son frère, se contenta d'afficher un sourire qui en disait long, le tout accompagné d'un haussement d'épaules qui en disait tout aussi long, également. Orion était encore un gamin à ses yeux, oui. C'était leur différence d'âge qui faisait qu'elle avait du mal à le voir différemment. Et puis, c'était vrai, il était encore jeune, après tout. Dix-sept ans, c'est rien encore, c'est l'âge où on a l'impression d'être un adulte mais où on a encore tout à apprendre de la vie. Oui, il était un gamin, un gamin mature pour son âge, mais un gamin quand même. Et ça lui passerait vite. Bientôt, il allait se marier, il allait sans doute pondre une ribambelle de marmots, il allait respecter les bonnes vieilles traditions de la famille Black, tout simplement. Et c'est ce qui serait le plus susceptible de rendre Lucretia fière, très fière, même, de son petit frère, au passage.

-On arrête de parler de moi, d'accord ?

Lucretia s'attendait à ce que cette réplique intervienne plus tôt dans la conversation. Lucretia savait à quel point son cadet n'aimait pas parler de lui, même quand il n'y avait pas forcément grand-chose d'embarrassant à savoir à son sujet, pourtant. Alors elle comprenait bien qu'il veuille changer de son côté, et puisque, en ce qui la concernait, la jeune femme, dans toute son assurance, n'avait jamais éprouvé de difficulté à parler d'elle-même, ça ne la dérangeait pas. Elle était bien prête à continuer, en tout cas. Elle accepta qu'ils arrêtent de parler de lui, elle n'avait pas non plus envie de l'embarrasser plus que cela. Elle afficha un sourire et laissa son interlocuteur reprendre la parole.

- Tu dois bien avoir des choses à me raconter toi aussi, non ?

Elle avait toujours des choses à raconter, en cherchant bien, mais tout bien considéré, elle devait quand même avouer qu'il n'y avait pas beaucoup de choses qu'elle pouvait consentir à apprendre à son interlocuteur, parmi ce que sa vie avait de plus captivant. Elle n'avait pas envie d'annoncer qu'Orion ne serait jamais tonton, elle n'avait pas envie de lui apprendre ses plans concernant les Rookwood (il était trop innocent pour que ce ne soit pas risqué), elle préférait se garder encore pour le moment de lui parler de l'Hydre. Voilà qui limitait un peu les sujets de conversation.

-Oh, tu sais, pour moi, la vie suis tranquillement son cours. Et finalement, elle décida d'en parler quand même, juste histoire de guetter la réponse de son interlocuteur.Ignatius et moi, on aimerait agrandir la famille.

Lucretia a toujours été plus bavarde que moi, plus capable de captiver une audience que moi. C'est bien simple, même quand nous vivions sous le même toit et partagions notre quotidien ensemble, j'avais toujours l'impression, en l'entendant, que nous avions des vies exceptionnelles et trépidantes, où il ne s'écoulait pas une journée sans que quelque chose de proprement incroyable se produise. Le pire, c'est qu'elle disait toujours la vérité. Mais avec ses mots, la vérité était belle, élégante, palpitante. Avec mes mots, le résumé était rapide et on s'emmerdait facilement avant de passer à autre chose. C'est pour ça que je pense qu'on y gagne tous les deux si c'est elle qui reprend les rênes de la conversation. De toute façon, j'ai dit tout ce qu'il y avait à dire. De nous deux, c'est sûrement moi qui connaît le plus de bouleversements dans ma vie, et pourtant, j'ai quand même l'impression que ce sera elle qui me donnera le sentiment que son existence vaut mieux que celle de n'importe qui d'autre. Je suis d'ailleurs surpris quand elle commence à parler et prononce une phrase qui, je trouve, ne lui ressemble pas (mais alors pas du tout). La vie suivait tranquillement son cours. C'est sûrement vrai. Elle est mariée à présent, et sa vie doit être quotidiennement ponctuée des mêmes événements. Mais j'attends des détails, des informations croustillantes, quelque chose... n'importe quoi qui lui ressemble, en fin de compte, et je me demande si cela va venir ou pas, si je vais être exaucé. Et bien vous savez quoi, ça finit par arriver. Et dans les grandes largeurs, en plus, quand elle m'annonce avec tout le naturel du monde qu'Ignatius et elle ont l'intention d'agrandir la famille.

-Oh ! C'est vrai ? C'est génial !

Mon enthousiasme est sincère. Je me trouve un peu jeune pour être tonton, j'avoue, mais je suis trop jeune pour être marié aussi, donc l'un dans l'autre, je vais finir par penser que c'est juste comme ça, dans la logique des choses. Lucretia et Ignatius sont ensemble depuis un moment, maintenant, tous les deux, il est normal qu'ils veulent agrandir la famille, en plus, quand on est des sangs-purs comme nous, le désir d'enfants rejoint bien souvent une obligation familiale, mais Lucretia s'est toujours montrée plus que digne des attentes des Black.

-Les parents sont au courant ou je dois la fermer ? je rajoute en souriant.

 

-Oh ! C'est vrai ? C'est génial !

Lucretia afficha un fin sourire. Elle appréciait sincèrement l'enthousiasme de son frère, même s'il déchenterait bien vite s'il découvrait la vérité qu'elle prenait grand soin de lui dissimuler. Eh oui, Orion, si les manigances de Lucretia portaient leurs fruits, deviendrait tonton. Certes pas de sang, nous sommes d'accord, mais ce serait tout comme. Pour les subtilités de l'affaire, elle le tiendrait à l'écart autant que possible, quitte à tout lui dévoiler plus tard. Il n'empêche que la jeune femme trouvait l'enthousiasme d'Orion touchant. Peut-être qu'il s'en doutait, en réalité, parce qu'Ignatius et elle étaient mariés depuis bien longtemps à présent, c'était par conséquent assez normal. Mais elle se disait que si les rôles étaient inversés, elle agirait sans doute complètement autrement. En même temps, c'était logique, Orion était son petit frère, il n'avait même pas encore quitté Poudlard... Elle préférait qu'il patiente un minimum avant de pondre des marmots (et quels marmots ! Et avec qui !), elle avait le sentiment que ça la vieillirait plus de devenir tata que de devenir maman, en vérité, même si ça peut paraître très contradictoire. En attendant, rien n'était fait, dans un cas comme dans l'autre. Même si leurs vies changeaient, ça c'était évident... et inexorable. Ils devaient faire avec.

-Les parents sont au courant ou je dois la fermer ?

Le sourire de la jeune femme s'agrandit quand Orion lui demanda si leurs parents étaient au courant. Elle fit non de la tête.

-Tu as la primeur et l'exclusivité de l'info, assura-t-elle dans un clin d'oeil. Je préfère les laisser en dehors de ça pour l'instant.

Elle ne savait pas quelle serait leur réaction, mais elle n'avait pas forcément envie de le découvrir non plus. Inutile d'aller trop vite en besogne de toute manière. Rien n'était fait, et elle préférait ne rien dire... déjà qu'elle préférait les tenir à l'écart de ses propres manigances. Pas sûr qu'ils approuvent. Au pire, ce ne serait pas leur problème... Elle tenait à sa famille et à l'honneur de cette dernière, elle refusait que l'on puisse en douter. Mais elle était une Prewett, à présent, et ça changeait les choses. Sa famille et la notion même de famille avait pris une autre dimension depuis son mariage et ça changeait tout, évidemment.

Entendre Lucretia me parler si concrètement de son intention de devenir maman (et donc que je devienne tonton), ça me fait tout bizarre. Je ne vais pas dire que je ne m'y attendais pas, ce serait faux, après tout, elle et Ignatius sont mariés depuis un bon moment, c'est dans la suite logique des choses, mais quand même, ça me met un petit coup. Je me sens vieux, là, d'un coup. Et je me dis que l'affaire sera officialisée, ce sera encore pire. Déjà que me fiancer, ça m'en fous une, mais là... Beaucoup trop d'informations nouvelles et importantes d'un coup. Toutes attendues, mais que je me serais bien épargné de voir arriver si vite, quand même, parce que je ne pensais pas que ça viendrait comme ça, de cette manière. Enfin, tant que les parents ne sont pas au courant, on a encore un peu de temps, et j'apprécie que Lucretia ait décidé de m'en parler en premier, je me sens privilégiée (en même temps, elle doit le savoir). En même temps, je la comprends, parce que dès que papa et maman seront au courant.

-Tu fais bien, ils vont être insupportables, je me permets de supposer avec un sourire au coin des lèvres.

Je pense que je dis vrai en tout cas, on les connaît à force. Enfin, maman plus que papa... Mais dans tous les cas, l'idée que la famille s'agrandisse n'a aucune chance de les laisser de marbre, en aucune manière, et on devra forcément le constater le moment venu (et encore, je n'imagine pas à quel point la situation est plus épineuse qu'il n'y paraît).

-Enfin, fais gaffe quand même, parce que maman, avec son sixième sens à la noix, elle a peut-être déjà tout deviné.

De nouveau, c'est une plaisanterie, mais à moitié, juste. Elle a vraiment un sixième sens quand il s'agit de ses enfants. J'en ai fait les frais plusieurs fois, moi, en tout cas. C'est peut-être que je suis mauvais menteur, mais je n'ai jamais rien su lui cacher en tout cas, elle devine toujours tout, c'est limite perturbant, je me suis toujours demandé comment elle faisait exactement. Il paraît que c'est lié à l'instinct maternel, mais peut-être qu'elle envoie nos elfes de maison en espionnage. En tout cas, l'affaire est assez suspecte, je trouve. Quoi qu'il en soit, ma grande soeur ne pourra pas garder l'info pour elle éternellement, ça c'est une certitude.
 

-Tu fais bien, ils vont être insupportables.

Lucretia afficha un sourire. Elle ne le lui faisait pas dire, elle pensait très précisément la même chose et était de l'exact même avis. Elle pensait assez bien connaître ses parents pour deviner ce que serait leur réaction s'ils devaient apprendre son intention d'avoir des enfants. Ils lui faisaient déjà suffisamment comprendre au quotidien qu'elle avait l'âge de fonder une famille (ce n'était pas pour rien qu'on l'avait fait épouser Ignatius. Certes, elle était tombée follement amoureuse de lui, mais à l'origine, elle était devenue une Prewett surtout pour renforcer leur lignée de sangs purs), elle n'avait pas l'intention d'en rajouter. Elle l'aurait sûrement fait si les circonstances avaient été différentes, pour calmer un peu les interrogations de ses géniteurs, parfois beaucoup trop pressantes. Mais puisqu'elle allait devoir s'arranger d'une manière assez... particulière pour parvenir à ses fins, elle ne pouvait pas forcément se le permettre. Elle préférait les mettre devant le fait accompli, quand l'enfant serait là, qu'importe qu'il ne soit pas d'elle tant qu'il était de sang pur et portait son nom.

-Enfin, fais gaffe quand même, parce que maman, avec son sixième sens à la noix, elle a peut-être déjà tout deviné.

-C'est pas impossible, avoua Lucretia.

Ce n'était pas une hypothèse qui l'enchantait beaucoup, mais effectivement, sa mère avait un sixième sens pour ce genre de choses. Apparemment, c'était un truc de maman, un truc que la jeune femme finirait peut-être par comprendre quand elle deviendrait maman à son tour. Mais elle ferait avec dans tous les cas. Sixième sens ou pas, c'étaient les faits qui parleraient pour elle, les faits et rien d'autre à part ça.

-Mais ça ne leur fera pas de mal de mariner un peu, ajouta-t-elle dans un sourire. Et ça, elle le pensait définitivement. Elle poussa un léger soupir. Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai des choses à faire, ajouta-t-elle alors. Elle avait toujours eu le don de couper court sans subtilité à certaines conversations. Pas parce qu'elles lui déplaisaient, mais parce que ce n'était pas son genre d'inventer des excuses à tort et à travers. C'était sympa de parler avec toi, frangin.