Alors qu'elle parcoure tranquillement les couloirs de l'école de magie, elle réalise à quel point celle-ci peut lui manquer. Cela fait trois ans que Poudlard n'est plus son foyer concret, mais au même titre que la belle et glorieuse Ecosse, il doit rester son foyer de coeur pour longtemps encore. Elle ne croit pas si bien dire. À l'heure actuelle, elle n'a pas la moindre idée du fait qu'elle allait passer la majeure partie de sa vie entre ces murs de pierre. Elle n'a aucun regret à avoir pour le futur. Si ça ne tenait qu'à elle, elle poserait ses bagages ici et dans l'instant. Elle ne peut pas vraiment dire que son travail de secrétaire au département de la justice magique lui apporte une grande satisfaction ou la stimule intellectuellement. Ils s'agitent tous, et logiquement, avec l'intervention perpétuelle des neo-grindelwaldiens qui viennent ruiner leur travail, et on ne l'autorise à être au courant de rien, elle est pourtant convaincue que son opinion et ses suggestions, qui sait, pourraient bien les surprendre, elle n'a pas acquis sa petite réputation et son poste actuel à grand renfort de bêtise crasse, après tout. Il y a un fond de talent derrière tout ça. Elle ose le croire, en tous cas, et même le penser. Dans tous les cas, à moins que ne s'opère le miracle et qu'on lui laisse enfin gravir les échelons, elle ne se voit pas au ministère toute sa vie, et elle sent bien qu'elle se préfèrerait de loin dans cette école. C'est un lieu agréable et réconfortant, et même si elle vient là pour repartir aussitôt, elle trouve bienvenue cette bouffée de nostalgie.

Elle vient tout juste d'achever son entretien avec Albus Dumbledore. Pour certains, c'est un cinglé, pour d'autres un génie, pour d'autres encore un simple professeur, mais pour Minerva, Albus Dumbledore est un exemple, un mentor, et la rencontre la plus importante qu'elle ait faite durant toute sa vie. Elle l'estime plus que n'importe qui d'autre, et par conséquent, quand il lui avait donné rendez-vous à son bureau, elle avait répondu présente immédiatement. Leur conversation avait été assez banale, à bien y réfléchir, il lui avait demandé de ses nouvelles, avait donné des siennes (qui étaient bien sûr d'apparence superficielles, parce que c'est Dumbledore), lui avait proposa des bonbons au citron, allez savoir pourquoi. Puis, au milieu de tout cet anodin, il lui avait confié une mission singulière, qu'elle n'avait pas complètement compris, mais dont elle avait immédiatement accepté de s'occuper, bien sûr.

Et alors qu'elle s'apprête à s'en aller et à s'acquitter de sa tâche une fois la situation murie et analysée… Voilà qu'il est là, devant elle. En tous cas, elle en est quasiment convaincue. Il ressemble traits pour traits à la description que son ancien professeur lui avait faite. Est-ce qu'il savait. Elle serait bien capable de le jurer. Elle ne croit pas aux coïncidences. Et le connaissant, ça n'aurait rien d'étonnant. Ça doit être lui, le fameux William Black, celui sur lequel elle a juré de veiller sans savoir comment ni pourquoi. Et qu'elle ne sache ni comment ni pourquoi justifie, bien sûr, sa maladresse à savoir comment l'aborder. Elle choisit la solution de facilité, fait mine de regarder ailleurs, et le heurte doucement, prétextant une quelconque inattention.

-Oh, excuse-moi, je ne t'avais pas vu.

Elle le considère un moment du regard. Pour se donner une preuve supplémentaires, surtout, qu'il s'agit bel et bien de lui. Dumbledore lui en a fait une description conforme. Et qui semble sans équivoque. Elle pourrait avoir des doutes s'il n'y avait que les cheveux noirs de jais, les yeux vert emmerde, et les lunettes rondes, mais il y a cette singulière cicatrice en forme d'éclair qui orne son front, et qui ne peut que lui laisser croire qu'elle a vu juste et que le destin… ou Dumbledore (les deux sont bien souvent liés) veut qu'ils se croisent maintenant, et qu'elle ne le laisse donc pas s'en aller si facilement. Elle a l'impression qu'il cherche à s'en aller aussi vite que possible. Tout dans son attitude laisse en tous cas à penser qu'il n'a pas l'intention de s'éterniser. Mais après tout, pourquoi le voudrait-il ? Ils ne se connaissent pas, il a sans doute mieux à faire que de s'éterniser avec une totale inconnue. Mais elle se doit de rester. Elle ne peut pas laisser passer cette occasion en or. Elle se sent seulement… prise au dépourvu… Elle pensait avoir le temps de bien y réfléchir, de songer au moindre des mots qu'elle prononcerait, pour se montrer la plus convaincante et mener sa mission à bien. Mais non, il faut qu'elle fasse ce qu'elle supporte le moins. C'est à dire improviser. Sans avoir le temps de calculer ou d'agir de façon réfléchie. Enfin ! Avoir trouvé une première parade, c'est bien. Bien évidemment, ça ne suffirait pas.

« Hum, ce n’est rien pas de souci. Je ne regardais pas où j’allais non plus. »

Elle répond par un sourire. Elle se donne un air naturel, autant que possible, mais en vérité, dans son cerveau, les pensées se bousculent à folle allure. Elle n'est pas experte de ce genre de "missions". Faire dans le social n'a jamais été dans ses attributions. C'est vrai, il le faut bien quand on est secrétaire au ministère. Mais ce n'est pas pareil. Il est clairement plus facile d'adapter au mieux son discours. Nul autre choix que d'inventer, encore et encore, et de tisser fil après fil un mensonge qu'elle pourrait toujours démêler plus tard. Mieux vaut l'espérer en tous cas.

-Je m'appelle Minerva. Se présenter, première montre d'interaction sociale, et la première chose qui lui vient à l'esprit. Elle évite de lui tendre la main pour qu'il la serre, elle trouve cela trop formel par rapport à la situation. Elle doit se présenter comme une "amie", même si elle est encore une totale inconnue, et même si tous les deux ont quelques années d'écart. Bien moins que ce qui devrait être tout de même. Je viens de rencontrer le professeur Dumbledore. J'envisage de devenir enseignante ici. Ça lui est venu tout seul, pourtant, l'idée de devenir professeur n'a jamais dépassé le seuil du rêve, pour elle. Elle ne s'envisage pas toute sa vie au ministère, du moins pas au poste qu'elle occupe et avec ce patron qui ne cesse jamais de lui faire des avances. Enseigner lui plairait sans doute. La métamorphose plus encore. Mais ce n'est pas un projet véritable, qu'elle invoque, juste une excuse dont elle doute déjà. Sur le long terme, elle aura du mal à la justifier. Mais elle gagne du temps comme elle peut. Il m'a proposé de me familiariser avec l'école en visitant un peu mais je suis incapable de faire deux pas sans me perdre.

Mensonge, elle était étudiante il y a peu, elle connait encore très bien l'école… Elle compte sur le fait que le jeune homme n'apprenne pas qu'elle a fait ses études ici. Et qu'elle accepte de le faire visiter.

« William. »

Elle retient un sourire victorieux d'apparaître subrepticement sur ses lèvres. Elle est bien sûr satisfaite d'avoir immédiatement celui qu'elle cherchait, même si cela lui demande des trésors d'improvisation qu'elle n'aime pas exploiter outre mesure. Tout coïncide, de façon bien trop flagrante pour qu'elle puisse encore avoir des doutes. Outre le fait qu'il correspond des plus fidèlement au portrait que le professeur Dumbledore lui en a fait, il se présente bien sous le nom auquel elle s'était attendue. Minerva ignore cependant que ce prénom n'est pas exactement celui de l'élève en face d'elle, un détail que le professeur de métamorphose a omis de lui préciser… non sans raison… Minerva est de ceux qui ne considèrent en rien Albus Dumbledore comme un fou ou un cinglé sénile, elle voit en lui un grand génie, le plus grand génie de leur temps. Son combat triomphale contre Gellert Grindelwald en est bien la preuve, non ? Elle pense qu'il ne laisse jamais rien au hasard. Rien. Elle est même certaine qu'il avait fait durer leur conversation uniquement parce qu'il avait su que le timing serait parfait, et qu'elle croiserait le jeune William Black en chemin. Dans tous les cas, maintenant qu'elle est certaine qu'il s'agit bien de lui, elle ne compte pas le lâcher de sitôt.

« Vous devriez suivre votre instinct. »

Minerva sourit. Elle ne comprend pas l'origine de cette remarque. Ils ne se connaissent pas, il n'a aucun moyen de savoir si elle ferait un bon professeur ou pas.  Mais elle apprécie tout de même, quand bien même ce n'est à coup sûr qu'une bête et simple formule de politesse. L'idée lui est venue d'un coup, et il ne s'agit que d'un prétexte, mais la formuler ainsi ne la rend que d'autant plus tentante. Professeur. Professeur Minerva McGonagall. Étonnamment, cette perspective l'inspire, mais elle en est loin encore. Pour le moment, il faut bien qu'elle se cantonne à son poste au ministère de la magie, même s'il est bien moins stimulant qu'elle ne le voudrait. Elle ne sait pas de quoi l'avenir sera fait. Mieux vaut qu'elle ne sache jamais.En fréquentant William, elle ignore sur quelle pente potentiellement dangereuse elle risque fort de s'aventurer.

« Est-ce que… vous voulez que je vous fasse visiter ? »

Un nouveau sourire s'affiche sur ses lèvres. C'est bien sûr ce qu'elle avait voulu sans le formuler pour autant. Un bon prétexte pour passer du temps ensemble et en apprendre plus sur le mystérieux jeune homme à la cicatrice singulière sur lequel elle a promis à Dumbledore de veiller.

-Ce n'est pas de refus. reconnaît-elle. Enfin, je ne voudrais pas te faire perdre ton temps si tu as d'autres choses à faire. Mais en fait si.

D'abord les politesses, ensuite les questions insidieuses qui prétexteront ne pas l'être.

« Pas de souci, je n’ai rien à faire d’autre. »

Eh bien, voilà qui l'arrange. Elle ne sait toujours pas comment elle va procéder, exactement, elle sait que cette première approche ne suffirait pas à lui faire tenir sa promesse à Dumbledore, mais c'est un début encourageant. L'idéal serait qu'ils parviennent à se trouver des affinités. Il faut qu'elle prolonge cette visite le plus possible afin d'écarter la gêne qui succède à tout premier échange verbal. De trouver quelque chose de suffisamment important pour justifier qu'ils se revoient par la suite, et qu'elle puisse comme promis garder un oeil sur le jeune homme. De toutes les manières, il fallait qu'elle en apprenne plus sur lui parce qu'elle voulait en apprendre plus. Elle devait veiller à l'étudiant et à sa sécurité, et de lui, elle ne savait finalement que trop peu de choses. Elle veut comprendre pourquoi il est si important. Pour le moment, elle ne devine pas à quel point ce jeune homme qui vient de lui proposer de visiter une école dont elle se souvint encore du moindre recoin, sera important dans l'avenir, et est en passe de devenir important dans ce présent tout autant.

« Et bien… allons y du coup. »

Minerva approuve d'un signe de la tête et se laisse entraîner dans les dédales de couloirs dont elle se souvient encore distinctement. Plus elle y pense, plus elle se dit que son excuse pour passer du temps avec lui et apprendre à mieux le connaître est extrêmement bancale. Elle s'imagine mal lui mentir et lui dire avoir fait ses études ailleurs. Ça ne tiendrait pas la route bien longtemps. Et encore, heureusement que William n'a rejoint Poudlard qu'il y a deux ans environ, sinon, le mensonge tiendrait encore moins, ils auraient eu l'occasion de se croiser dans les couloirs de l'école de magie malgré leurs années d'écart. Oui, elle n'est pas partie depuis suffisamment longtemps pour que le mensonge tienne la route, mais elle n'a d'autres choix pour l'heure que d'aviser. Le plus simple reste encore de poser des questions au sujet du rouge et or et éviter scrupuleusement que la conversation ne tourne autour d'elle. Après avoir fait plusieurs pas dans un premier couloir, Minerva se laissant guider par le jeune homme même si ce n'est pas nécessaire, elle daigne reprendre la parole, le tout pour orienter la conversation le mieux possible dans son sens.

-Alors comme ça, tu es à Gryffondor ? C'est ce que dit son uniforme, en tous cas (et ce que lui a dit Dumbledore au passage, mais qu'importe), et la future directrice de cette même maison (même si elle ne le sait pas encore) choisit de prendre cette information pour argent comptant. Ce n'est pas grand chose, comme amorce, surtout si elle s'abstient elle-même de dire qu'elle a fait ses classes au sein de cette même maison, mais elle fait de son mieux. Tu es en quelle année ?

Les interrogations demeurent banales, mais c'est en démarrant par là que l'on peut se permettre de creuser plus loin.

« C’est ça. Je suis en septième année, je termine mes études en juin prochain. »

Un Gryffondor pur jus, donc, et sur le point de finir ses études. Minerva doit se retenir de ne pas trop le dévisager, mais le fait est que la curiosité la démange fortement, et qu'elle est très tentée de le harceler de questions. Elle ne sait rien de lui si ce n'est cette identité (qui en fait est fausse), sa maison, et le fait qu'il ait amorcé sa scolarité à Poudlard plus tardivement que les autres. Si Dumbledore lui a demandé de garder un oeil sur lui, c'est qu'il y a forcément une raison, il ne peut en être autrement. Mais laquelle ? Elle espère que, au détour de cette conversation, il lui sera donné de le découvrir, même si les platitudes comme celles qu'échangent deux inconnus qui se rencontrent n'invitent pas aux confidences sur soi.

-Je n'aurais jamais la chance de t'avoir pour élève, dans ce cas.

Elle plaisante, bien sûr, outre le fait que leur mince différence d'âge ne l'aurait jamais permis quoi qu'il en soit, ces histoires d'enseignements restent une excuse... même si ces excuses tiennent sans doute aussi d'un rêve adolescent qu'elle ne pense pas voir s'accomplir un jour. Évidemment, elle ne saisit pas l'ironie de cette situation.

« Vous avez terminé vos études depuis longtemps ? »

Minerva hésite à répondre. Non pas qu'elle puisse véritablement mentir sur le sujet, ses vingt ans sont inscrits sur son visage, mais elle aura du mal à justifier demander à visiter Poudlard alors qu'elle a quitté l'école de magie il y a seulement trois ans. Mentir pour parvenir à ses fins ? Pourquoi pas, mais ce n'est pas dans sa nature. La jeune femme a plutôt tendance à penser que la vérité appelle la vérité.

-Depuis trois ans. répond-t-elle, pour le moment sincère. Mais j'ai le sentiment que cela fait une éternité.

Cet ajout ne peut justifier qu'à moitié qu'elle ne se souvienne plus d'une école qu'elle a parcouru en long, en large et en travers pendant sept longues années. Car peut-elle vraiment dire ne pas avoir mis les pieds à Poudlard. Elle n'est pas grand chose, mais si l'on fait quelques recherches sur elle, on découvre facilement qu'elle a été préfète en chef, ou encore, il est possible de trouver l'article sur elle, lauréate du prix du Meilleur Jeune Espoir décerné par le Mensuel de la métamorphose. Enfin, pourquoi ferait-il des recherches sur elle, ceci dit.

Minerva ne peut saisir l'ironie de la situation, si, elle aurait le jeune homme pour élève, dans une toute autre situation, dans un tout autre contexte, et à un tout autre âge. Elle ne devine pas que lui n'aurait alors que six ans de moins alors que, pour sa part, elle aurait cinquante ans de plus. Étrange, ce que la fortune pouvait décider à votre place. Pour le moment, c'est à peine si elle parvient à s'imaginer professeur. Elle n'est pas vraiment satisfaite de son poste de secrétaire au ministère de la magie, mais il lui convient malgré tout. Son excuse de tout à l'heure avait sans doute révélé un souhait qu'elle n'avait jamais formulé jusqu'alors, mais elle n'imagine pas vraiment concrétiser pour l'heure. Elle a l'avenir devant elle, de toute manière. Et même s'il est plus difficile de s'imposer quand on est une femme, elle pense avoir fait suffisamment ses preuves pour qu'un rien de confiance lui soit accordé auprès des hautes instances. Ce n'est pas la question pour le moment. À l'heure actuelle, elle cherche surtout à comprendre à qui elle a affaire, qui est ce jeune homme aux lunettes rondes et à la cicatrice en forme d'éclair sur lequel Dumbledore en personne lui a demandé de veiller sans vraiment qu'elle comprenne pourquoi.

Ça doit être étrange de quitter Poudlard, constate-t-il. Il a raison. Du point de vue de Minerva, en tous cas. L'Écossaise st bien souvent nostalgique de ses études, même si à côté de cela, elle est contente d'en avoir fini. C'est un sentiment contradictoire, mais par lequel tout un chacun a l'ai de passer. La jeune femme ne connaît aucun de ses anciens camarades qui n'éprouvent le même sentiment. Sauf ceux qui détestaient Poudlard, bien sûr, mais ces gens là sont rares, et par ailleurs, Minerva a bien du mal à les comprendre. Comment peut-on détester un tel endroit ? C'était incompréhensible, pour elle.

-Je ne pourrais pas te répondre le contraire. approuve-t-elle. Mais on s'y fait plus rapidement qu'on ne le pense, en fait.

Difficile à concevoir, effectivement, quand on avait passé sept années entre ces murs. Mais tout nouveau rythme finit par s'apprécier rapidement. La jeune femme songe qu'en tous cas, il lui donne l'opportunité d'en apprendre plus sur lui, même si elle ne sait pas ce qu'elle va faire de ces bribes d'informations. Si elle pouvait prendre la pleine mesure de son rôle, elle aurait plus de facilité à savoir quels éléments ciblés. Mais Dumbledore, comme souvent, s'était contenté d'être énigmatique.

-Que comptes-tu faire après Poudlard?

Il est difficile pour Minerva de savoir comment exactement se positionner vis à vis de ce jeune homme sur lequel Dumbledore lui a demandé de garder un oeil. Si elle avait de plus amples détails, si elle comprenait en quoi ce devait être important (si Dumbledore le lui avait demandé, c'est que c'était forcément important), ce serait plus simple pour elle, mais rien de tout cela n'avait été évoqué ou abordé. Elle doit se contenter d'une présomption et de sa promesse, et Minerva McGonagall est d'un naturel à toujours tenir ses promesses, et à surtout ne jamais en faire à la légère, loin d'elle cette idée. Alors elle se contente de récolter le plus d'informations possibles, afin de voir ce qu'elle pourrait bien en faire. Savoir ce que quelqu'un veut faire de sa vie aide souvent à en découvrir plus sur cette personne : à la fois sur son caractère, sur ses aspirations, et sur ses goûts. Pour preuve, le fait que le rouge et or lui apprenne vouloir devenir Auror en dit long. Pour vouloir devenir Auror il faut être vaillant, intelligent, courageux, il faut être perspicace et posséder un sens aigu de la justice, autant de qualités qui sont totalement honorables. Et autant de qualités qui doivent forcément plaire à Dumbledore. Ça ne justifie pas pour autant que ce garçon mérite qu'on y veille ainsi, mais Minerva ne désespère pas de comprendre. Elle cherche seulement par que

-C'est une ambition honorable. approuve-t-elle dans un léger sourire. Je connais quelques Aurors, au ministère. Je pourrais te le présenter, si cela t'intéresse.

Pourquoi ferait-elle ça ? En toute logique, elle n'a aucune raison. S'il est vrai que du fait de sa carrière, elle est en contact constant avec plusieurs employés du bureau des Aurors, elle vient seulement de rencontrer l'élève de Gryffondor. Elle n'a pas la moindre faveur à lui faire, pas le moindre intérêt à l'aider comme elle le fait alors qu'elle vient seulement de le rencontrer, la vérité, c'est qu'elle-même ne le sait pas trop, mais puisque son rôle doit être de se rapprocher de lui, il faut bien qu'elle rassemble toutes les possibilités qu'elle a en main pour cela. D'ailleurs, comment savoir si la moindre de ses connaissances serait d'accord de rencontrer un élève d'apparence lambda (mais qui ne l'est pas pour tous les membres du ministère, on ne la tient pas au courant de tout, pour son grand déplaisir), sans raison particulière ? Mais qui ne tnte rien n'a rien, c'est sa grande devise. Il risque de se méfier, il y a de fortes chances qu'il trouve cela étrange.... Elle aviserait. Les mots sont sortis tous seuls, et maintenant qu'ils ont été prononcés, elle ne peut pas revenir dessus. Elle verrait bien comment réagir et agir ensuite, en fonction de la réaction, de la réponse du jeune homme, il sera toujours temps d'ajuster son discours ensuite. Elle veut démontrer son rôle d'adjuvante. Pour le moment, c'est la seule chose qui lui importe.

C'est normal, bien sûr, qu'il lui pose la question qu'elle aurait préféré qu'il taise. À sa place, elle aurait fait absolument pareil. Rencontrer quelqu'un pour la toute première fois, parler à peine quelques minutes, et se voir proposer un service en apparence désintéressé, et qui pourrait vraiment s'avérer utile, cela a effectivement de quoi déstabiliser. Pour peu qu'ils se ressemblent un peu — et Minerva commence à le croire — il se méfie par principe, et préfère éviter un coup fourré quelconque. Elle le comprend aisément. Elle ne songerait pas à le  lui reprocher, et cela, d'une certaine manière, lui inspire plus d'estime que s'il s'était contenté d'accepter aveuglément sans savoir de quoi il pouvait bien retourner. Même si ça n'arrange pas ses affaires. Son but est de se rapprocher de lui. Lui faire ce genre de proposition, c'est s'assurer qu'ils puissent se revoir et donner d'elle une image positive qui, à la longue, inspire la confiance. Pour le moment, c'est plutôt le règne de la défiance, toutefois. Minerva s'y était attendue, maintenant, il s'agit de réussir à endormir cette défiance du mieux possible.

Pourquoi faire ça ? Parce que Dumbledore le lui a demandé. Réponse qu'elle ne peut ni ne doit fournir. Elle ne le connaît pas, et si les circonstances avaient été différentes, elle ne se serait pas attardée sur le cas du jeune homme, elle aurait passé son chemin et serait retournée chez elle ou au ministère. Mais non, elle doit rester à présent, et accepter d'assumer sa proposition, qui doit sembler farfelue. Elle ne le connaît pas, c'est certain, mais il sait qu'il doit être quelqu'un d'important, sans quoi elle n'aurait pas eu à s'intéresser à son cas, on ne lui aurait pas demander de veiller sur lui. Elle ne sait pas qui il est, elle ne sait rien de lui si ce n'est son nom (et encore, ce n'est même pas le vrai, mais cela, elle ne peut pas le savoir), sa maison, ses intentions d'avenir... vraiment pas grand chose, mais elle doit faire avec ces éléments, et essayer le convaincre de son absence totale d'attention, même si elle en a forcément.

-Je sais que cela doit sembler... étrange. Elle marque une pause. C'est juste... que je me reconnais un peu en toi. Il n'y a pas si longtemps, j'étais à ta place, et on ne peut pas dire qu'on m'ait vraiment tendu la main. Ce qu'elle a, ce qu'elle possède, elle a dû lutter pour l'obtenir, au prix de certains sacrifices, d'ailleurs, qui pour l'un deux en particulier est encore bien présent et très douloureux. Alors j'ai tendance à vouloir donner l'aide que je n'ai pas reçu. Elle hausse les épaules, la vérité est qu'elle n'est pas si généreuse, d'ordinaire. Mais faute d'être généreuse, elle est une femme loyale, et nul ne saurait le lui ôter. Mais je comprendrais que tu refuses, ce n'est pas bien grave.

Même si cela la prive par la même d'un prétexte en or pour garder contact avec le jeune homme.

Elle ne sait pas elle-même à quelle jeu elle joue exactement. Elle a bien conscience que ce n'est pas vraiment très intelligent, ni franchement prudent non plus, que de faire comme elle fait, que de parler comme elle parle. Si le but est d'éveiller les soupçons de son interlocuteur alors là, c'est sûr, elle a tout gagné, car la maladresse et l'absence totale d'ingéniosité dont elle fait preuve, elle est la première à s'en blâmer. L'intention est simple, le procédé est obscur, c'est là que le bas blesse, et c'est là qu'elle se voit contrainte à une improvisation dont elle n'avait rien prémédité. Affirmer que ça ne lui réussit pas, c'est en deçà de la vérité. Cela étant, ce n'est peut-être pas un mal qu'il se doute de quelque chose. À un moment ou à un autre, il faudrait bien qu'il l'apprenne, après tout. Et pour sa part, Minerva préfèrerait ne pas avoir à attendre trop longtemps avant de percer le mystère qui entoure le jeune homme. Avant de voir à travers ce voile obscur les raisons qui poussent son mentor à le considérer comme suffisamment important pour que l'on garde un oeil sur lui, même si elle ne doit pas s'attendre, évidemment, à plus spécifique, comme détail. Finalement, elle est agréablement surprise. Peut-être qu'il prend sur lui, ou qu'il décide de ne pas trop se poser de questions, considérant ce qui est le mieux pour lui et l'opportunité qu'elle lui offre (en même temps, même si sa proposition est un prétexte, elle compte bien tenir son engagement, s'il ne faut que cela pour parvenir à ses fins), il ne l'interroge pas davantage, et il se contente d'accepter, ce qui est loin de déplaire à notre futur professeur de métamorphose.

-C'est tout naturel. prétend-t-elle alors dans un léger hochement de tête, même si ça n'a rien de naturel du tout, au final.

Ce qui est naturel, c'est de faire la conversation une fraction de secondes aux inconnus que l'on croise puis de passer son chemin. Ce qui est naturel, c'est de pistonner ceux dont on sait d'office le potentiel (quoique, quel que soit le cas de figure, Minerva soit en fait loin d'être encline à accorder ce genre de facilités même à ses plus proches amis). Mais voilà plusieurs longues minutes qu'elle fait de toute façon l'inverse de ce qui est naturel, rompant avec une attitude prudente et pragmatique qui lui est pourtant quotidienne et lui aurait été beaucoup plus salutaire en la circonstance. Même un esprit brillant peut parfois se laisser dépasser par l'inattendu d'une situation qui déroge à tout ce qui fait d'ordinaire notre ligne de conduite. C'est ce à quoi elle se voit confrontée. Elle ne voit donc en définitive que faire si ce n'est saisir le moment, tolérer l'opportunité, et donc, sortir de son sac à main une plume et un carré de parchemin qu'elle griffonne rapidement, y inscrivant son nom, son prénom ainsi que son adresse.

-Si jamais tu souhaites me joindre. précise-t-elle alors en tendant le morceau de parchemin au jeune rouge et or.

Minerva n'est vraiment pas certaine d'avoir su s'y prendre. Elle ne serait pas vraiment surprise que le jeune homme se soit contenté de lui tenir compagnie par politesse et rien d'autre. Elle ne s'attend dans tous les cas pas à ce qu'il la contacte dans la minute. Elle espère tout de même qu'il y songera, car elle ne peut se permettre de se rendre si régulièrement à Poudlard. Outre le fait que l'accès est restreint aux visiteurs (Minerva peut aisément le détourner grâce à sa forme animagus, ce n'est guère une raison pour en abuser pour autant. La jeune femme n'a pas l'intention de le faire en tous cas), elle s'imagine mal pouvoir se justifier de ses insistances à venir à l'école de magie, encore et encore. Elle ne voit pas ce qu'elle peut faire de plus de toute manière, elle n'est peut-être pas la moins douée en improvisation, mais il est certain qu'elle manque encore d'entraînement dans ce domaine. L'avantage, disons, c'est qu'à présent qu'elle avait rencontré William Black, qu'elle en savait un peu plus sur lui, il serait plus simple d'envisager une seconde approche. Elle aurait le temps d'y réfléchir, et cela aurait l'air un peu moins maladroit. Il faut l'espérer.

Cette conversation ne peut pas durer beaucoup plus longtemps. Minerva est déjà assez fière d'avoir su l'amorcer et la faire durer, bien que ce fut sous un prétexte bancal, qui n'aura pas forcément convaincu ou tromper le jeune homme. Elle aurait pu mieux s'y prendre, mais ce qui était fait était fait. Elle pourra mieux réfléchir à la suite et mieux s'y prendre la fois suivante. Elle le croit possible, et donc, elle ne commet pas la (nouvelle) maladresse d'insister pour passer encore un peu plus de temps avec le mystérieux rouge et or quand ce dernier remarqua qu'ils avaient fait le tour de ce qu'ils pouvaient visiter (et le terme est bien fort, car Minerva n'a pas le sentiment d'avoir redécouvert quoi que ce soit. Cet endroit lui est encore bien familier, et à le parcourir à nouveau, elle comprend y être définitivement trop attachée, alors qu'on doit bien rapidement faire le deuil de ses années d'école une fois lancés dans l'indispensable vie d'adulte. Une vie dans le cas de Minerva qui ne lui accorde qu'une satisfaction moyenne, qu'elle ne trouve à la hauteur ni de ses rêves et ambitions, ni de ses compétences.

-Bien sûr. approuve-t-elle dans un sourire compréhensif, de ceux jamais trop expressifs qu'elle adresse en toute parcimonie aux interlocuteurs qui lui inspirent une certaine sympathie. Je ne veux pas te retenir plus longtemps. Elle marque une pause. Et j'ai à faire moi aussi. Elle a toujours du travail, dire qu'elle a à faire n'est jamais un mensonge. Ou un mensonge à demi, un mensonge incomplet. J'étais ravie de faire ta connaissance, William.

Elle ne rajoute rien et prend congé du jeune élève, rebroussant chemin. Il est grand temps de rentrer chez elle et de reprendre le cours de cette vie d'adulte, justement.