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una avait le sentiment d'être revenue à ses débuts, quand elle s'adaptait à sa nouvelle vie, à une époque dont elle ne savait rien, alors qu'elle se voyait contrainte d'endosser une nouvelle identité et alors qu'elle avait peur de ne plus jamais revoir son père. Maintenant, certaines choses n'avaient pas changé. Elle devait toujours faire avec sa nouvelle identité (et à certains titres, même si elle était habituée, c'était de plus en plus difficile, notamment parce qu'elle s'en voulait terriblement de mentir comme elle le faisait à Adrian), elle s'était certes acclimatée à l'époque, ais doutait de plus en plus de revoir un jour son père... d'autant plus que maintenant, elle savait que retrouver quelque chose qu'elle avait perdu, ce serait perdre ici une chose qu'elle avait trouvée. Et n'aurait jamais pensé trouver, par ailleurs. Alors, parce qu'elle retrouvait ce sentiment d'incertitude, et qu'il se jumelait à la tristesse qu'elle éprouvait en pensant à ses amis disparus, et qu'elle pensait perdus pour toujours, elle reprenait certaines de ses vieilles habitudes, qui n'en étaient pas forcément de bonnes, il faut bien le reconnaître.

Par exemple, elle désertait de plus en plus la grande salle pour assister aux repas que tous les élèves prenaient en commun. A la place, elle se rendait aux cuisines, et déjeunait et dînait en compagnie des elfes de maison. Ces derniers lui réservaient d'ailleurs toujours un accueil royal. Elle n'en demandait pas tant, mais ce n'était clairement pas déplaisant. Et puis, elle se sentait bien, dans ces moments-là, elle parvenait à se recentrer. Elle était généralement seule, mais en l'occurrence, elle avait besoin d'une solitude plus solitaire encore. Dans ces moments, elle parvenait à se sentir un peu mieux... C'était autrement le cas, quand elle était avec Adrian ou avec Ginny... Mais ce n'était pas pareil. Ginny pouvait comprendre, mais elle était loin. Et Adrian était près, mais elle ne pouvait pas tout lui expliquer, elle ne pouvait pas tout comprendre. Bref. Seule dans les cuisines, elle s'improvisait son propre dîner, et plongeait sa cuillère dans un bol de pudding quand elle vit la porte des cuisines s'ouvrir.

-Bonsoir. Elle adressa un sourire à la nouvelle venue. Tu veux du pudding ?

Entrée en matière pour le moins particulière, mais Luna n'était pas tout à fait normale. La personne qui venait d'arriver était Augusta, que Luna connaissait pour être la grand-mère de Neville. Et à plu d'un titre, elle lui faisait penser à elle. Si sa solitude était interrompue, autant que ce soit par elle, qui avait le mérite de lui rappeler son ami disparu.

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una afficha un sourire rayonnant quand Augusta affirma bien vouloir du pudding, ce qui, en substance, signifiait aussi qu'il acceptait de passer du temps avec elle, et c'était exactement ce qu'elle voulait. Il y avait quelque chose dans le regard, dans la voix, dans l'attitude de la rouge et or qui lui faisait indiscutablement penser à Neville, et retrouver un peu de lui, alors qu'elle ne reverrait plus jamais son ami, ça lui faisait un bien fou. Même si elles ne se disaient rien, ce n'était pas grand-chose, au final, sa présence suffisait, ça la rassurait, ça la consolait un peu, même si son mal était certainement incurable. Elle avait perdu des personnes qui lui étaient chères, des personnes sans qui continuer devenait d'autant plus nécessaire, mais malgré tout infiniment difficile, parce qu'elle n'avait pas leur force... ou en tout cas, si elle l'avait, elle ne s'en rendait pas compte. Partager ne serait-ce qu'un moment tout simple en compagnie d'Augusta, ce serait comme un bandage sur une plaie encore béante, et ça ne leur ferait pas le moindre mal. Luna allait servir à Augusta quelques cuillerées de pudding dans une assiette, mais en entendant la réponse de la rouge et or, un elfe de maison l'avait prise de court et avait préparé déjà une assiette, qu'il déposa face à la jeune fille. Luna remercia l'elfe avec un grand sourire avant de porter à nouveau son attention sur son interlocutrice.

-Comment vas-tu ?

C'était une entrée en matière très simple, c'est certain mais il fallait bien commencer par quelque chose, en fin de compte. Même si Luna se ressentait un attachement tout particulier pour Augusta, elles ne se connaissaient pas si bien que ça et n'avaient pas non plus eu une infinité d'occasions de parler, elles ne s'étaient donc pas trouvé de points communs encore (si ce n'est Neville, qui n'était pas le dernier des points communs, mais ça, Augusta ne pouvait évidemment pas le savoir), elle n'avaient pas encore eu de longues conversations qui auraient révélé d'éventuels atomes crochus, mais justement, c'était l'occasion de bavarder un peu plus longuement, de faire plus ample connaissance. Un "comment vas-tu ?", ce n'était pas grand-chose, en fin de compte, mais ça pouvait révéler beaucoup de choses. Et la réponse d'Augusta, qui plus est, intéressait sincèrement Luna.

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Elle allait très bien. En tout cas c’est ce qu’elle affirmait. Mais Augusta mentait peut-être. Ce n’est pas que Luna avait forcément envie de la taxer de menteuse, c’est seulement qu’elle savait qu’il était dans l’usage d’affirmer qu’on allait bien quand on se retrouvait face à des personnes que l’on ne connaissait pas bien. Pour ne pas les ennuyer avec ses problèmes, sans doute. L’intention était certainement bonne, mais la bleue et bronze trouvait quelque part cela dommage, car cela faisait du point de départ d’une conversation banale et introductive entre deux étranger ou deux vagues connaissance un puits de mensonge. Ceci dit, il était possible également que la jeune femme se porte comme un charme et ne lui mente pas, et c’est tout ce que Luna pouvait lui espérer. Elle était si malheureuse dernièrement qu’elle songeait que le bonheur des autres était la plus belle compensation qu’elle puisse espérer pour tordre le cou à sa propre morosité, car elle-même était loin d’être au sommet de sa forme. Et comment le pourrait-elle, d’ailleurs. Ses amis lui manquaient tant… et plus jamais elle ne les reverrait… pour des motifs injustes… comme si ces circonstances pouvaient prêter à un semblant de justice, ceci dit.

-Pas très bien…, répondit-elle honnêtement à son interlocutrice quand elle lui rendit sa question. Elle choisissait en effet le parti de l’honnêteté, même si cela risquait de plomber l’ambiance très rapidement. En même temps, elle aurait bien du mal à feindre la joie et la bonne humeur à l’heure actuelle. Elle était bien trop affectée… et la présence d’Augusta, même si elle était bien loin de l’arranger, ne pouvait pas lui faire penser à autre chose qu’à l’un de ses amis perdus, dans plusieurs de ses intonations, regards, mimiques… elle parvenait à reconnaître Neville (ou bien était-ce son imagination qui lui jouait des tours ?)… alors forcément, cette pensée restait très prégnante, dans son esprit. J’aime venir manger ici. Parfois, on s’amuse à mettre des choses dans mon assiette ou on me lance des regards étranges, alors ici, c’est plus agréable, répondit-elle aussi dans un fin sourire.

C’était peut-être une observation triste, mais Luna la prononçait avec légèreté, sans amertume ou regrets. C’était juste un fait, et dans le fond, ce n’était effectivement pas si grave que ça… Elle avait l’habitude, tout du moins. D’une époque à une autre, certaines choses ne changeaient pas. Elle restait l’originale de service, et elle avait appris à faire avec, tout simplement. Et en attendant, ça ne la dérangeait pas du tout d’investir les cuisines pour déjeuner et dîner. Les elfes de maison étaient très sympathiques avec elle, et elle mangeait bien, alors…

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